FIAC : Pour ou Contre ?

Quantité ou qualité, il faut choisir.

Pour cette nouvelle édition, 185 galeries seront présentes, soit une augmentation de 45% en 3 ans… Un gage de qualité ? Pas forcément. Cette année encore, la FIAC se veut internationale en invitant des galeries de 27 pays différents, dont l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Inde ou encore le Mexique. Petite nouveauté, la Pologne, la Hongrie, le Japon et Hong-Kong sont désormais de la partie. Une partie couteuse pour les galeristes qui payent très cher leur présence à l’événement : entre 10 000  et 46 000€ par stand ! Autant dire qu’il va falloir rentabiliser cet investissement et pour cela, tous les coups sont permis.

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Quels critères de sélection pour les galeries présentes ?

Chaque année, c’est la même polémique. Pourquoi telle ou telle galerie a été « refusée » à la Fiac ? On dénonce du copinage, des règlements de comptes, des jalousies… Mais alors quels sont les critères pour faire partie de cette prestigieuse élite d’exposants ? Reconnaissons que les critères restent très flous : on nous parle de « l’historique de la galerie », « ses artistes permanents », « la qualité du programme d’expositions » et « l’intérêt du projet pour la FIAC ». Les débats du Comité se déroulent à « huis-clos », entre 8 galeristes triés sur le volet (dont cette année Emmanuel Perrotin, l’un des plus puissants galeristes au monde) et sont de nature « strictement confidentielle ». On n’en saura pas plus… Obscur nous direz-vous ? En tous cas ce qui est sûr c’est que ni le goût des galeries pour l’Art Contemporain ni la mise en avant d’artistes montants ne sont des critères valides. En effet, cette année encore l’Art Moderne triomphe sur les stands aux dépends des artistes contemporains, et  l’embryon de projet d’ouverture aux jeunes galeries, appelé L’(Off)icielle, a avorté en moins de 2 ans, pour cause de non rentabilité.

Internationale certes, élitiste surtout

Une « foire » est un lieu où l’on vend et où l’on achète, c’est un « grand marché public ». Ça c’est la définition officielle. Pourtant, à la FIAC, il vous sera difficile, même avec la meilleure volonté du monde (et un bon compte en banque), de dénicher LA bonne affaire. Pourquoi ? Tout simplement car les “acheteurs VIP” seront déjà passés avant vous et auront probablement déjà acheté toutes les pièces intéressantes. Cette vente privilégiée se fait la veille de l’ouverture au grand public, coupe de Champagne à la main, pour décider des meilleurs investissements. Car oui, il s’agit bien de placements financiers, permettant de défiscaliser de coquettes sommes et d’éviter le terrible impôt sur la fortune. Du beau monde donc,  des élites qui s’offrent le privilège d’un shopping d’exception, quitte à nous priver de l’occasion d’admirer certaines des plus belles pièces. Dommage pour les autres.

  

L’Art Contemporain boudé à la FIAC ?

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Pablo Picasso, sculpture de poche

Même si la FIAC se veut être une foire dédiée à l’Art Contemporain (dans son nom en tous cas), on peut rester un peu perplexe face à la sélection des artistes présentés… Rentrent dans la définition convenue de l’Art Contemporain tout artiste né « après 1945 ». Regardez de plus près, dans les stands des galeristes, que trouve-t-on ? Beaucoup (trop) d’œuvres d’Art Moderne. La raison ? Evidemment l’engouement des collectionneurs pour les grands noms du XXème siècle. Et ça marche ! Le record de vente (connu) de la FIAC a eu lieu en 2009, un Mondrian parti pour la coquette somme de 40 millions d’euros… En 2014, un Miro s’est envolé pour quelque 8 millions d’euros et l’an dernier, un Modigliani se serait vendu plusieurs millions d'euros, un Lichtenstein pour plus de 4 millions et une œuvre de Picasso aurait atteint les cinq millions. On y revient toujours : rentabiliser son stand. Comment dès lors reprocher aux galeries de mettre en avant leurs œuvres d’artistes qui n’ont rien à voir avec l’art contemporain ? Des noms qui s’agitent comme des signatures « d’appel » : Picasso annoncé dans une dizaine de galeries (avec des œuvres pas toujours stupéfiantes…), Calder référencé dans une quinzaine de galeries… alors qu’il est quand même né il y a 118 ans, sans parler de Matisse (né en 1869) présent dans 3 galeries…

 

Pourtant, un marché de l’art contemporain au top ? 

Qui n’a pas entendu lors d’un dîner que tous les indicateurs de l’Art Contemporain sont au vert ? Que ce marché ne s’est jamais mieux porté ? Que les œuvres de Jeff Koons ou Jean Michel Basquiat pulvérisent les records dans les salles de vente ? Mais alors pourquoi la FIAC prend-elle cette tournure étonnante que de mettre en avant autant d’artistes modernes,

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Orange sports figure, Basquiat

aux dépends des jeunes talents de l’art d’aujourd’hui? Remettons les pendules à l’heure pour mieux comprendre. L’Art Contemporain est en plein boom, ça c’est vrai, puisqu’en 15 ans, ce marché a été multiplié par 20, et atteint aujourd’hui près de 15 milliards de dollars sur les enchères. Sauf que, sur près de 50 000 artistes contemporains recensés, seuls 10 grands noms se partagent plus d’un tiers de cette jolie recette. Des signatures « trophées » qui ne cessent de grimper d

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Doig, Swamped

ans les records de vente, avec un jeu de spéculations des plus édifiants. Parmi les exemples les plus frappants, citons le record de l’œuvre Swamped, par Peter Doig, payée 455.000 $ en 2002 puis... 25.900.000 $ en 2015. Autre exemple, la revente de l’œuvre de l’œuvre de Jean-Michel Basquiat, Orange Sports Figure, payée 66.000 $ au début des années 1990, puis 8.800.000 $ l’an dernier chez Sotheby’s.

 

Bon, et pour nous, visiteur, comment ça se passe ?

Force est de reconnaître que c’est cher aussi pour nous pauvres spectateurs… Jennifer Flay, directrice de l’événement, dira que “La FIAC est une façon d’offrir de l’art à un très large public”. Un cadeau qui se révèle être un peu onéreux : à 35€ l’entrée, la FIAC n’est pas ouverte à tous. Et pour les jeunes alors ? 20€ quand même pour les moins de 26 ans… Suffisamment dissuasif pour faire fuir ce public, souvent intimidé par les galeries dont ils n’osent pas même pousser les portes gratuitement. Pourtant, avec plus de 2 millions d’Euros générés par les seules entrées de la FIAC, sans même compter les revenus des locations de stands, cette foire n’aurait-elle pas pu s’ouvrir davantage aux jeunes, comme une vraie invitation à découvrir l’Art Contemporain ? A moins que ces jeunes n’aient pas un porte-monnaie assez rempli pour intéresser les galeristes, soucieux (on y revient) de rentabiliser leur stand avec des ventes juteuses. Du coup, pas le temps pour répondre aux questions des badauds venus « juste » regarder les œuvres et découvrir le travail des artistes. Là encore, dommage.

« F » comme foire, certes. Mais « F » comme foule aussi… Car si les VIP se sont délestés de quelques millions d’euros en avant-première, les autres vont devoir jouer des coudes. Avec environ 15 000 visiteurs par jour, sur un espace dont la capacité d’accueil ne dépasse pas les 5000 personnes, il va falloir être patient, attendre sagement son tour pour, enfin, pouvoir se perdre allègrement dans les dédales de stands. Franchement, on aurait préféré un « F » comme Fête de l’Art Contemporain…