On a vu Beyong Seeing au WIP Villette

Jusqu'au 28 janvier 2018 -
Le WIP Villette //

Existe-il un monde sans image ?

L'exposition éphémère Beyong Seeing est un projet international avant tout expérimental initié par le Goethe-Institut de Paris en parallèle de la Fashion Week Homme du 16 au 21 janvier 2018 (et plus tard la Fashion Week Femme du 26 février au 6 mars) et de semaine franco-allemande du 22 au 26 janvier 2018. Le projet n’a jamais été réalisé de la sorte : c’est un projet tissé autour de la rencontre entre des élèves de célèbres écoles de mode et d’art allemande, française, belge et suédoise avec des personnes malvoyantes et aveugles. Il a demandé deux années de travail pour donner aux visiteurs une exposition concept où il pourra tout toucher voire même essayer certaines pièces des créateurs.

L’exposition commence instantanément par une mise en situation. Les yeux cachés d’un bandeau noir, nous sommes invités à ressentir l’exposition et non à la regarder. Laisser parler nos émotions profondes en faisant appel à nos souvenirs, nos envies et nos quatre autres sens. Nous devons nous repérer dans l’espace avec nos mains en avant, nos pieds prudents, histoire de ne pas trébucher ou entrer en collision avec un autre visiteur. L’entrée est fabriquée de bouts de tissus blancs très légers, de différentes hauteurs, tombants du plafond. Cette installation peut évoquer une forêt, une forêt comme dans un rêve, assez abstraite et peu rassurante. La commissaire de l’exposition le témoigne d’ailleurs: « J’ai voulu d’entrée de jeu créer une atmosphère qui perturbe ».

Les yeux cachés, l’exposition nous plonge dans un abîme non habituel, un abîme personnel où les questions s’enchainent : comment les aveugles peuvent-il vivre sans voir ? Comment orienter son identité sans la vision ? Comment apprécier un visage, une tenue, un film, des photos sans voir ? Si l’on écoute bien, on peut distinguer une voix off qui annonce : « Est-ce qu’un monde sans image existe ? ». Cette question est le leitmotiv de l’exposition expérientielle. Il faut tout de même visiter l’exposition sans masque pour apprécier la scénographie. Quatre espaces circulaires ont été créés avec des morceaux de tissus blancs, disposés asymétriquement pour permettre une perception différente à chaque coin de la pièce.

Deux espaces m’ont semblé intéressants : l’espace B et l’espace D.

L’espace B « Perception of space » de Maxi Tilch est relatif aux endroits qui l’ont inspiré pour créer ses 3 pièces de couture :
- La 1ere représente le chez soi, faite de matières veloutées (monde doux, sécurisé)
- La 2e représente la nature, constituée de différentes toilées cirées, matières k-way (monde protecteur)
- La 3e représente la rue, le monde extérieur fait avec des tissus râpeux et très rigides (monde agressif)

L’espace D « Fairytale » de Noémie Walker présente un processus de création assez fou et très intéressant. Elle s’est d’abord plongée dans le noir et a écouté le conte original de Cendrillon sans image. La créatrice a pris conscience que le conte était en réalité bien plus noir que Disney ne l’avait traduit avec sa belle princesse. Elle a donc amorcé son travail en sculptant dans du bois un relief qui retrace les hauts et les bas du conte. Elle est ensuite partie de ce modèle pour créer ses trois robes (que vous pouvez voir en images)
-La première est toute grise, en laine, avec beaucoup d’ourlets
-La seconde est rouge et flamboyante en velours
-La 3e est verte et en velours

 

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A l’étage, le parcours pédagogique du processus de l’exposition s’amorce par deux murs couverts de photographies, photographies de modèles qui portent les créations des artistes couturiers, réalisées en échangeant avec des personnes mal voyantes ou aveugles. Plus loin, dans le recoin d’une salle en suspension, un mur en tissu est installé en face de photographies et d’un film expliquant les mois de travail réalisé. Ce mur n’est pas comme les autres, il permet, au toucher, d’augmenter le niveau sonore des explications des différentes photographies exposées. (Astucieux et ludique) Nous n’avons pas pu tester l’installation car elle n’était pas opérationnelle.

Alors que nous sommes plongés dans le noir, les yeux fermés, cette exposition était infiniment blanche. Les tissus étaient lumineux, clairs, les lumières étaient douces. L'exposition semble finalement poétique, un mélange d’incitation à l’empathie et à voir le monde sous un angle différent. Il est donc possible de voir avec les mains et les oreilles. En finalité, un monde sans image n’existe pas. Les malvoyants ou aveugles se créent des images, à eux, des images dictées par leurs souvenirs ou leurs autres sens. La création peut alors clairement s’exprimer avec cette immense liberté d’imagination.

Le WIP Villette
Jusqu'au 28 février 2018
211 avenue Jean Jaurès, 75019 - M° Porte de la Villette (7)
Du lun. au ven. de 9h à 18h 
Sam. de 10h à 17h - Fermé le dim.
Entrée libre - Certains ateliers payants